Le Leonberg
A propos de l'influence des modifications successives du standard sur la situation du cheptel français en 2008
Mémoire réalisé en novembre 2008

par Dominique Félix

 

 

 

Préambule

 

Le Leonberger, appelé en France Leonberg, est une race dont l'historique donne lieu à des contreverses.

 

 

Quelques soient les versions, race ancienne dont les origines prendraient leur source dans le centre de l'Europe, au cours des 17 ième et 18 ième siècle, ou créée dans la seconde moitié du 19 ième siècle par Essig dans la ville de Leonberg, le premier descriptif de cette race, que l'on considère comme étant le standard ancien du Club Allemand initial du leonberger, remonte à 1895. (voir annexes).

En France, les premiers représentants du leonberger font leur apparition sous le nom de Leonberg, parfois orthographié Léonberg, peu avant la seconde guerre mondiale. Il s'agit de deux specimens appartenant à Mme Boulanger qui produira la première portée née en France.

 

C'est également vers cette époque, en 1933, que Megnin publie une traduction du « standard » de la race.

Doit-on parler de traduction réelle ou d'interprétation étoffant la traduction de base d'un large descriptif du Leonberg ?

Toujours est-il que c'est sur ce « standard » présenté par Megnin que vont s'appuyer les premiers éleveurs qui vont impulser l'essor du Leonberger en France peu avant 1960, à l'époque où la race est encore quasiment inconnue dans notre pays, en liaision étroite avec d'autres passionnés autrichiens et néerlandais.

Le Leonberger connaît un développement parallèle dans le pays d'origine, l'Allemagne.

Indépendamment des diverses moutures du standard élaborées par le pays détenteur, l'Allemagne, qui s'emploie à relancer une race durement décimée par les années difficiles de la seconde guerre mondiale, le Leonberg français, lui, va évoluer pendant de longues années sur la base du descriptif de Mégnin, seul « standard » pris en compte par tous dans notre pays.

Il n'est en effet pas rare de trouver alors dans les ouvrages de vulgarisation de l'époque ce «  standard » ( cette « version du standard » devrait-on dire) dont le point d'achoppement le plus important est la définition de la taille, dont le minimum fixé en France pour les mâles est 80 cm, alors que dans les faits, le standard, le vrai, spécifie que 80 cm est une taille à ne pas dépasser, l'idéal étant 76 cm.

Rien d'étonnant donc à ce que pendant plus de 20 ans, aient pu se développer deux types de leonbergs très différents, l'un dit « allemand », l'autre dit « français ».

 

 

Vers la fin des années 1980, sous la poussée de quelques passionnés avertis qui se sont rapprochés du pays d'origine et du standard officiel, modifié en 1964 puis en 1973, l'élevage français évolue lentement vers la recherche de sujets plus osseux, plus massifs, plus molossoïdes. Le Club français alors présidé par M Cassaghi, puis plus tard M Guilbert, présente le « Standard », paru dans la Revue officielle de la Cynophilie française, dans le N° 45 de la Revue trimestrielle destinée aux adhérents, en 1983. Il y est adjoint les points de non-confirmation. Le descriptif Megnin cesse alors d'être la référence, mêm si encore de nombreux éleveurs à cette époque, prennent appui sur lui.

 

En 1990 est publié le compte-rendu d'une une réunion de l'Union Internationale du Leonberg, faisant état de précisions et discussions sur le standard alors en vigueur.

 

Suivront d'autres modifications du standard, en 1996 puis 2002.

C'est sur la base de ces dernières modifications du standard FCI, réalisées entre 1973 et 1996, puis 2002, qu'il convient d'essayer d'étudier aujourd'hui dans quelle mesure celles-ci ont pu être susceptibles d'influer sur le cheptel français actuel du Leonberg.

 

Groupe de Leonberger allemands - Photographie prise en 1939.
Documents du Deutscher Leonberger Klub

 



Analyse des modifications apportées au standard
entre 1973 et 1996-2002

 

 

Sans reprendre une fastidieuse étude point par point de chacun des standards successifs placés en annexe, il paraît indispensable, en premier lieu, de mettre l'accent sur les points de modification les plus importants apportés lors des différentes versions citées..

 

De par sa forme très structurée et claire, le standard de 1996, réédité en 2002, se démarque déjà des standards précédents. Il reprend les mêmes rubriques, certaines modifiées dans leur contenu et/ou leur présentation, d'autres déplacées.

Le plan en est établi de manière très logique qui part de considérations générales vers une étude progressive morphologique du corps et de la tête, suivie des allures, pour s'achever par la robe et présente en conclusion les défauts éliminatoires qui constituent pour la France les points de non confirmation.

 

Historique du leonberger

Succint dans le standard 1973, l'historique qui présente la race est amplement développé et précisé dans les dernières présentations. Il fait notamment état de l'évolution du leonberg vers une destinée de chien de famille adapté à la vie moderne et ne reprend pas la définition de gardien qui en était donnée antérieurement.

 

Aspect général

Si celui-ci fait encore référence à un Leonberg à vocation utilitaire, en reprenant les qualificatifs décrivant la puissance et la musculature, on note par ailleurs l'apparition du mot « élégant » et la précision sur l'équilibre des proportions.

Les traits de caractère sont listés de manière précise ; Le « plein de vie » est modulé par le mot « maîtrise » qui globalise le tempérament général et résume le « calme, assuré, plein de vie ». Ce descriptif du caractère dans ses modifications qui peuvent paraître accessoires est en réalité très important et souligne une modification réelle de la destinée du leonberg dans la société ainsi que de son caractère et du comportement qui en est attendu.

Cette partie appuie également sur la nécessité d'une différence sexuelle clairement marquée puisque «  les mâles doivent être particulièrement imposants et forts »

 

En complément, suit un paragraphe consistant sur le caractère et les proportions. Il est à noter que cette partie apparaît pour la première fois de manière aussi précise dans le standard. Les proportions sont indiquées de manière quantitative donnant un rapport longueur de tronc/hauteur au garrot de 9/10, alors que le standard précédent était à cet égard beaucoup plus vague évoquant juste « un tronc un peu plus long que la taille ». Cette modification semble faire suite à une préoccupation de l'Union Internationale du leonberg qui, lors d'une réunion en 1989, proposait que le tronc mesure 6 cm de plus que la hauteur au garrot. Le ratio 9/10 tient compte du respect des proportions quelque soit la taille au garrot du chien, indiquant sans ambiguïté un chien longiligne mais pas trop long, de même que le rapport hauteur de poitrine/antérieurs fixé à 50% de la hauteur au garrot.. Ces précisions tracent la silhouette du leonberg en ne laissant aucune place à une interprétation subjective comme cela était possible avec les standards passés.

 

Le second paragraphe, qui est une innovation, décrit longuement le caractère du leonberg, mettant en relief les modifications par rapport au standard précédent, par l'abandon de la référence aux qualités de gardien du leonberg et l'introduction de la définition du Leonberg en tant que « chien de famille et compagnon agréable que l'on peut emmener partout ». Son relationnel avec les enfants, évoqué, est cette fois très fortement appuyé, passant du « très doux avec les enfants », ce qui suggère un chien patient et tolérant à «  se distingue par son amour prononcé pour les enfants », ce qui induit l'idée qu'en outre le Leonberg recherche la compagnie des enfants.

Défauts et qualités, sont pour la première fois nettement décrits de manière stricte et structurée caractéristique de cette nouvelle version.

On précise qu'il ne doit être ni agressif ni craintif.

On passe de « docile » «  à disposition à l'obéissance  «  en indiquant «  capacité d'apprendre et mémoire ».

Le tempérament général est un peu plus détaillé et modulé en ce qui concerne le jeu. Apparaît également la note signalant l'indifférence au bruit du Leonberg.

 

En revanche, le mot intelligence qui définissait clairement le caractère du Leonberg en 1973, a totalement disparu dans le dernier standard en vigueur.

On peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons de ces changements susceptibles d'être en rapport avec l'évolution de la société et de la place du chien à l'intérieur de celle-ci. Le contexte dans lequel le standard a été réécrit en 1996 et réaffirmé en 2002, faisant référence sans ambiguïté aux «  situations de la vie pratique  », aux «  conditions actuelles de vie et d'habitat » semble faire écho aux préoccupations actuelles sur « le chien dans la société ». A cet égard le standard stipule que la place du Leonberg se situe parmi les « chiens adaptés à la vie de famille » (enfants, déplacements, situations variées).

Ce chapitre est particulièrement important car il constitue une rupture fondamentale avec les standards précédents et implique une modification relativement profonde du caractère de la race.

 

La tête

Dans un ordre qui semble cohérent, le paragraphe sur les couleurs a été déplacé vers la fin du standard et, par conséquent, la partie concernant la tête ouvre la description physique détaillée du Leonberg.
Doit-on voir là un intérêt marqué pour cette partie du standard qui définit plus que tout autre le type même du Leonberg, ainsi que son expression, et serait la suite logique de la partie ayant trait au comportement et au tempérament. ?

Comparativement à la version 1973, ce descriptif de la tête est moins largement traité, et surtout, différence non négligeable, il ne se présente plus de manière globale, mais de manière structurée et précise, séparant en segments indépendants les uns des autres, les diverses parties de la tête.

 

Les défauts du crâne sont nettement énoncés, mais ne le sont plus en référence à d'autres races ( Saint-Bernard, Terre-Neuve), pour bien marquer la différence du Leonberg, comme cela était le cas dans la traduction de Megnin.. Le terme « bombé » est maintenu, complété des qualificatifs « puissant sans lourdeur », mais il est moins précis dans ses rapports de proportions (hauteur/largeur).

 

Les « joues » sont évoquées en une seule ligne, sans qu'il soit fait état de leur relation avec le reste de la tête, comme cela était le cas dans le standard précédent, qui, lui, décrivait plus largement les proportions de la tête : « plutôt comprimée latéralement », « plus profonde que large ».

Notons qu'entre la version 1973 et la version 1996, le rapport longueur crâne, chanfrein, largeur crâne avait été l'un des sujets discutés à l'occasion d'une réunion de l'Union Internationale du Leonberg (23 septembre 1989) et, qu'alors, avait été proposée une précision concernant ces proportions. Celle-ci indiquait que la règle des trois L devait être prise en compte : longueur de crâne = longueur de chanfrein =largeur de crâne, définissant ainsi clairement une tête longiligne, deux fois plus longue que large.

Il est remarquable (et surprenant ?) que cette règle n'apparaisse pas dans le standard actuel.

En revanche, on y trouve une indication plus précise sur le stop qui doit être « nettement visible ».

Chanfrein et truffe sont explicités sans modification notoire.

En échange, mentions sur la peau « bien appliquée » et « absence de rides sur le front » ont totalement disparu du nouveau standard. Une petite ligne rappelle que les lèvres doivent être « bien appliquées et sans commissure éversée », sans les précisions des versions précédentes (« le leonberg ne bave pas »).

 

Par contre, les standards 1996/2002, sont sans ambiguïté sur le chapitre des mâchoires et des dents, appuyant fortement sur l'affrontement «  en ciseaux, incisives à l'équerre », « dentition complète de 42 dents, à l'exception des M3 », mention sur « la pince qui est admise ». Cette partie sur les dents et les mâchoires semble être une préoccupation importante, elle donne lieu à un long paragraphe, inexistant auparavant, et occupant à lui seul presque un tiers de la description de la tête.

Ceci représente l'une des modifications les plus notables intervenues avec le standard paru en 1996.

 

La définition de la tête s'achève par le rappel sur les oreilles, avec un ajout quant à leur position qui ne doit pas être en arrière, (est-ce une volonté de démarcation par rapport au Caõ de Serra de Estrella ?) ainsi que sur leur taille de manière vague.

Enfin si, dans l'ensemble, le paragraphe sur les yeux reprend l'essentiel du standard précédent, en y adjoignant la précision sur la forme ovale, il reste, néanmoins, vague ( « ni trop.ni trop peu.. ») et ne mentionne plus clairement les défauts entraînant un déclassement (« oil de rapace, trop gros ou trop petit).


Ce passage du standard sur la tête du Leonberg dans les versions 1996/2002, en dehors des modifications citées sur les dents et les mâchoires, n'éclaire en rien d'un jour nouveau ce que doit être la tête du Leonberg conformément au standard.

A contrario, il est moins largement développé du fait de sa structure qui énumère l'une après l'autre les diverses parties de la tête, et il ne permet pas une appréciation globale de la physionomie, notamment en ce qui concerne l'expression et la référence à d'autres races dont devrait se démarquer le leonberg. En cela, il s'éloigne encore davantage de la traduction Megnin qui était particulièrement détaillée sur les marques principales de l'expression et du type de la tête du Leonberg : « crête occipitale marquée », « sillon médian partageant le front », « oreilles aussi larges que longues », « commissures des lèvres prononcées « ( ce qui ne s'oppose pas à « non éversées »), «  la peau du front se plisse, légèrement lorsque l'attention est excitée  » (référence au standard ancien de 1895), «  le postérieur ( de l'oreille) se relève et s'entrouvre en arrière lorsque l'attention est excitée  », «  yeux bridés avec expression franche et un brin de ruse  ». . Elle était également moins tolérante sur la couleur des yeux.

Nous reviendrons sur ces différences importantes.

 

Le cou

Son évocation dans les nouveaux standards marque également l'évolution du qualitatif vers le quantitatif.
On ne parle plus de « fièrement dressé », « d'encolure robuste et montrant beaucoup de noblesse », ce qui est lié à un aspect global du chien et à son allure général, le cou servant de lien entre la tête, participant à son port, et le reste du corps, comme dans le standard antérieur mais on distingue simplement, dans le dernier en date, un cou « légèrement galbé », « se fondant sans heurt avec le garrot » « plutôt un peu long que court »(sans plus de précision ). Il n'y a pas non plus de mention sur le rapport entre le cou et la tête et l'allure générale du chien à laquelle participeraient le cou et l'encolure.

 

Le corps

La partie « Tronc » est élargie à un paragraphe « Corps » qui prend désormais sa place à la suite du cou et avant les membres, ce qui paraît conforme à la logique de la présentation de ce standard et correspondre, dans un même temps, à un souci de prise en compte globale, cette fois, de la morphologie dans son ensemble.

La forme de ce paragraphe est fidèle à la structure selon laquelle a été rédigé ce standard, structure déjà visible au niveau de la description de la tête : parties clairement séparées, titrées, titres soulignés, décrites de manière concise et brève, sans explications.

Les proportions de corps, soit 9 pour 10, hauteur au garrot/longueur de tronc, ont été longuement analysées dans la partie aspect en tête de standard. On ne s'y attardera donc pas.

 

Aux commentaires sur le dos, le rein, s'ajoutent des indications sur le garrot, la croupe, la ligne de dessous, le mot « poitrine » remplaçant le mot « thorax » (choix du traducteur ?).

Cette partie, qui représente également une modification importante à l'égard du standard antérieur, donne un aperçu beaucoup plus précis, notamment dans les proportions, de la silhouette et de la morphologie type du leonberg, les qualités souhaitées étant renforcées et plus détaillées : » rein large, puissant, musclé «, dos «  solide, droit, large  » au lieu du simple « dos ferme ».
La description, particulièrement de la croupe qui n'avait jamais été mentionnée auparavant, correspond à une explication très précise, ainsi que celle de la poitrine. Elles prennent en compte la morphologie dans ses trois dimensions, profondeur, largeur, longueur, et son lien avec l'ensemble du corps (membres, queue) : place de la poitrine par rapport aux coudes, de la croupe par rapport à l'attache de la queue.

On notera en outre l'emploi du mot large qui revient à plusieurs reprises, toujours en tête de description, comme pour en assurer le renforcement, ainsi que l'évocation de quelques défauts, tels que « poitrine en tonneau », « croupe sur-bâtie ». L'ensemble de cette présentation laisse un sentiment général de mise en garde contre tout excès, bien que ce ne soit pas clairement énoncé.

Parallèlement aux modifications sur le caractère en début de standard, cette étude approfondie de la construction du leonberg, marque l'importance prise par la morphologie, concomitante d'une possible évolution de la cynophilie, lors de ces quinze dernières années, évolution liée à des préoccupations de santé canine et d'adaptation à l'usage demandé, (on y revient) et à la place du chien, en général, et du leonberg, en particulier, dans la société.

 

La queue

Les notes sur le port de queue resserrent le standard précédent. On passe, en effet de «  jamais trop haut » à «  très légèrement recourbée  » et «  pas portée plus haut que le niveau du dos  ».

 

Les membres

Si les membres sont décrits comme étant « forts et solides », le mot « ossature » présent dans le standard 1973 (ossature robuste) a disparu des dernières versions 1996/2002. Pas de descriptif global des membres non plus.

Le descriptif se fait de manière méthodique et structurée, correspondant à la présentation générale du standard, le membre est donc détaillé dans chacune de ses parties, avec là encore un vocabulaire zootechnique spécifiquement canin très précis. Parallélisme des membres et droitures sont fortement mis en avant. On remarquera l'usage de termes d'ordre géométrique « droit, parallèle, verticaux, obliques, angles obtus.. » ainsi que les qualificatifs faisant référence à la force et la solidité.

Les allures sont développées dans un paragraphe entier, alors que précédemment les allures étaient évoquées simplement en même temps que le descriptif des membres. Les diverses formes d'allures, trot et pas, y sont décrites.

 

La robe

Cette partie clôture la description du Leonberg « idéal », de manière cohérente avec le plan de ce nouveau standard. Ce n'est pas la place qui lui était donnée avant, elle apparaissait au contraire dès le début.

L'examen de la fourrure qui était jadis regroupé avec les couleurs de robe sous la seule appellation générique de « Pelage » a été scindé cette fois en deux parties distinctes, Poil et Couleur , sous le titre Robe dans les derniers standards.

Peu de modifications importantes concernent la texture de poil, si ce n'est le passage du mot « mollesse » et « lisse » aux mots « douce' et « droit », ainsi que la mention « franges fournies aux antérieurs et culottes abondantes », non spécifiées antérieurement.

Bien que paraissant anodines, ces précisions semblent avoir été d'une influence non négligeable sur l'évolution du Leonberg français ces dix dernières années, et qu'un accent a été mis de la part des éleveurs sur la recherche d'une fourrure opulente et raide ( poil droit pouvant s'opposer à mollesse et induire une tout autre interprétation).

Nous aurons l'occasion d'y revenir.

 

On retrouve ici, placée en seconde partie de la Robe, la nomenclature des couleurs admises dans la race. Auparavant, celle-ci faisait suite à l'aspect général du chien, en tête de standard, avant même la description de la tête. Cela lui conférait une importance qui ne semble plus de mise aujourd'hui dans les standards modifiés.

 

Il est vrai que le plan du nouveau standard est très différent. On pourrait en opposant les deux approches considérer que la première effectuait ce qu'il serait convenu d'appeler un zoom vers le chien, allant de l'aspect visuel du premier abord vers l'étude approfondie de sa morphologie, tandis que la seconde approche, au contraire, construit progressivement le chien de sa morphologie vers son extérieur.

L'évolution du plan du standard du Leonberg témoigne aussi d'une évolution probablement générale des standards FCI, et de l'approche cynotechnique.

 

Mais revenons à l'étude des couleurs du Leonberg indiquées dans le dernier standard en cours. On note quelques changements dans la nomenclature des couleurs, changements qui semblent être davantage des changements terminologiques, correspondant à une volonté de présentation scientifique plus rigoureuse, que des modifications réelles et marquantes des couleurs de robe du Leonberg.

On ne fait plus référence au jaune or et d'ailleurs l'appellation « dorée » portée sur les pedigrees des années 80, n'a plus aucune signification aujourd'hui. Le «  blaireau » a également disparu. Le nouveau standard se borne à une liste complète des couleurs, sous leur dénomination technique exacte, sans aucune hiérarchie ni sous-entendu préférentiel du type « on admet », « on peut observer » qui étaient de mise dans les précédentes moutures du standard. Il est clair que toutes les couleurs énoncées, ainsi que «  toutes les gradations entre ces couleurs  », sont admises de manière totalement égale sans qu'aucune puisse être discriminatoire ou, au contraire, particulièrement valorisante.

Aucune précision de préférence n'est non plus indiquée par rapport au masque, dont ni la forme, ni la dimension ne sont définies, ce qui laisserait à penser qu'une grande latitude est autorisée sur ce plan, puisque seule l'absence totale de masque noir est considérée comme un défaut éliminatoire.

 

Aucune modification n'a été apportée sur la taille. Ce sujet est depuis longtemps réglé.

 

Défauts

La fin de standard, par contre, fait apparaître une innovation en remplaçant le traditionnel « Défauts principaux « , par « Défauts « , au sens large du terme, avec le résumé rituel« Tout écart par rapport à ce qui précède... « qui correspond à la refonte des standards FCI sur un modèle unique auquel le standard du Leonberger ne fait pas exception.

 

Et surtout, comme dans tous les standards FCI, les défauts se séparent en deux catégories nettement distinctes, clarifiant ainsi la différence entre Défauts qui entraînent un déclassement ou une pénalisation et Défauts éliminatoires qui, eux, signifient l'exclusion de la reproduction dans la race.

 

Défauts éliminatoires

Cette notion de défaut éliminatoire , introduite pour la première fois, est d'une importance capitale. Elle signale pour le système français fidèle à l'examen de confirmation, les points de non-confirmation de la race Leonberg.

 

A l'étude de ces défauts éliminatoires, on ne découvre, en revanche, pas de grande nouveauté, si ce n'est l'apparition, juste après les défauts de comportement et de caractère, un long paragraphe sur les défauts anatomiques qui n'étaient pas pris en considération dans les standards précédents.

Ce paragraphe énumère longuement les divers défauts de construction, d'aplombs..

 

Il ne paraît, certes, pas surprenant, compte-tenu de la place prise, tant dans le plan du standard que dans son volume descriptif, par l'étude morphologique très précise du leonberg, que ces défauts anatomiques soient en tête des défauts éliminatoires.

On peut également noter qu'ils sont renforcés, ainsi que les défauts de comportement et de caractère, en fin de chapitre et en tirer des conclusions sur leur importance.

 

L'espèce précède la race et un Leonberg est un chien avant d'être un Leonberg.

 

Autres nouveautés parmi les défauts éliminatoires : les anomalies oculaires, entropion, ectropion, et pigmentation nettement insuffisante des lèvres.

 

 

 

En conclusion, il est possible de dégager quelques idées fortes qui différencient le standard de 1973 du standard actuel et témoignent de l'évolution du standard (des standards ???) directement liée aux préoccupations de la société et de ses rapports avec l'espèce canine et plus particulièrement les molosses.

 

A cet égard, l'importance donnée au caractère et au comportement, recentrant le Leonberg parmi les chiens de compagnie, « ni agressif, ni craintif », autre rituel unique de l'actualisation des standards, et « adapté à la vie moderne », constitue, en quelque sorte, une rupture avec l'image de gardien doux mais distant et méfiant, rustique que nous avaient tracée tous les standards antérieurs.

 

En second lieu, la place laissée à la morphologie et à l'anatomie, les allures, la denture, ne sautait être dissociée de cette adaptation à la vie moderne d'un « chien adapté et adaptable à toutes situations, d'une part, mais aussi de l'intérêt croissant porté aux questions de santé à tous les niveaux de la strate cynophile.

 

Perpendiculairement à cet éclairage fort porté sur comportement et morphologie par ces nouvelles versions du standard, tout ce qui concerne la tête, le type racial, les points particuliers qui distinguent le Leonberg d'autres races proches, semble être passé à un plan plus secondaire depuis 1996.

 

Bien qu'il ne soit pas ici de propos d'étudier les raisons et le contexte qui ont préludé aux modifications apportées au standard au cours des deux dernières décennies, il est fondamental, en conclusion, de les souligner ici et de s'interroger à leur sujet, car ils ne sont pas dissociables de l'évolution de l'élevage de la race, du couple éleveur-acquéreur, évolution qui s'est faite dans ce même contexte et sur les mêmes bases.

 

Ne serait-il pas, alors, pertinent de se demander dans quelle mesure le cheptel, sous la pression de l'élevage et lié aux préoccupations de la société, n'a pu, lui aussi influer sur les modifications successives du standard du Leonberg?



Evolution du cheptel français - Présentation de quelques sujets

Championnes nées en 1984, 1987, 1995 et 2003

 

Champions mâles nés en 1972, 1980 et 1983

 

Nés en 1991, et 1996 pour les deux suivants

 

Nés en 1999 et 2000.

.

Nés en 2000 et 2004

 

 

 



Evolution du type en tête

Quelques mâles des années 1980 à 1995

 

Les têtes sélectionnées pour le trophée Dagobert entre 2005 et 2008

 


Documents personnels et du Club Français du Leonberg


Etude.
Evolution du cheptel Leonberg Français en lien avec les modifications du standard

 

Il est particulièrement ardu d'envisager aujourd'hui une vision globale du cheptel français du Leonberg, notamment en en ce qui concerne l'évolution de sa conformité aux standards qui se sont succédés depuis plus de 50 ans.

Celle-ci ne peut qu'être obligatoirement extrêmement tronquée puisqu'elle passe, pour l'essentiel, par un aperçu des résultats d'exposition, lui-même limité à quelques photographies prises lors des Régionales, Spéciales et Nationales d'Elevage, ou glanées ici et là, ainsi qu'à l'analyse des commentaires de jugement, également peu exploitables car fluctuants selon le juge, la région et la concurrence, l'état du chien et les conditions d'exposition.

Une autre piste consisterait à étudier les choix des éleveurs, spécialement d'étalons, en essayant d'établir un possible parallèle avec les modifications du standard. Mais cette piste de la sélection est bien plus encore que l'exploitation des résultats d'expositions, soumise à des paramètres extérieurs nombreux et variés qui rendraient bien hasardeuse l'appréciation de l'impact réel du standard sur les reproducteurs.

Si on peut l'évoquer, elle ne saurait servir de base à une étude un tant soit peu fiable du cheptel.

Par ailleurs, on ne dispose à ce jour d'aucun élément concret et statistique permettant une analyse objective de ce cheptel, à l'exception de la thèse du Dr Letellier qui est antérieure à 1980 et d'une étude biométrique portant sur les poids et taille des jeunes sujets présentés au Tan, à la Nationale d'Elevage de 2000.

Cette étude ne peut donc se faire qu'au travers de l'analyse des expositions organisées par le Club bien que celles-ci ne nous fournissent aucun renseignement sur la très grande majorité du cheptel, absent de ces manifestations. C'est néanmoins la source de données la plus riche que nous ayons.

Il est possible de dresser un tableau sommaire de l'évolution (apparente) du Leonberg français au travers de son historique parallèlement aux diverses versions du standard de la race, et sans jamais perdre de vue sa corrélation avec l'activité du Club de race qui, par ses directives, oriente également l'élevage vers des points précis du standard en vigueur.

Trois étapes pourront être retenues, qui permettent d'établir une relation avec les modifications du standard 1973, 1996 et 2002.

Avant 1985

On peut considérer cette période de plus de 25 ans, entre les balbutiements du leonberg français peu avant 1960 et son expansion progressive , comme une entité car, quoique des versions du standard successives aient pu voir le jour pendant cette période, 1959, 1964 puis 1973, il faudra attendre les années 1984/1985, pour que, sous la présidence de M Cassaghi et l'impulsion d'un groupe de passionnés en lien avec l'Allemagne, pays d'origine du Leonberg, et soucieux de purisme, le standard véritable de la race puisse commencer à remplacer progressivement le « standard Megnin », qui faisait alors référence dans le monde de notre Leonberg français.

Cette époque correspond à la conception d'un Leonberg de grande taille, bien que dans les faits cette taille supérieure à 80 cm pour les mâles, ait été un mythe très largement amplifié : à ce sujet, la thèse du Dr Letellier, portant sur l'examen de plusieurs sujets dans les années 75/80, est particulièrement édifiante, la moyenne des femelles mesurées se situant en dessous de 70 cm et parmi les mâles le plus grand ayant été toisé à 80 cm, les autres étant bien en dessous.

Revenons à notre Leonberg français des années 1970 à 1980. C'est en général un chien élancé, élégant, souvent peu osseux, de type clairement longiligne, avec beaucoup d'air sous le ventre, au caractère relativement distant, avec un type en tête qui marque la spécificité française par sa référence aux premiers Leonbergs de la première moitié du 20 ième siècle, sans que couleur et texture de poil soient des préoccupations majeures.

On parle encore aujourd'hui couramment, y compris à l'étranger, de type français et, même si cela ne correspond à rien de bien défini, cette dénomination donne la mesure de la place prise par la France dans l'histoire de la race particulièrement au cours de cette période.

Le début des années 80, consécutif aux derniers changements apportés par le standard de 1973, d'où le qualificatif élégant présent aux origines, avait disparu, voit apparaître une génération de leonbergs plus trapus, en apparence car bas sur pattes, souvent de petite taille, le point fort mis en exergue par certains élevages influents étant la recherche d'une couleur rousse relativement uniforme et d'une fourrure plus longue, plus somptueuse et lisse.

 

A partir de 1985,

l'exploitation plus fine et généralisée du standard, qui est toujours celui de 1973, conduit le Club Français et, sous son impulsion, une grande partie des éleveurs d'alors, à s'orienter prioritairement vers un leonberg plus molossoïde, avec un rehaussement conjoint des statures et la recherche d'une forte ossature, la notion d'élégance semblant totalement abandonnée.

Dans le même temps, la définition des couleurs donne lieu à une interprétation qui semblerait toute française, tendant à une homogénéisation vers des couleurs fauve, roux souvent clair uniforme et le rejet des robes sable et charbonnées, qui sont très souvent pénalisées.

Cette évolution vers un type essentiellement molossoïde, si elle fait gagner l'ossature nécessaire à la race, se fait aux dépens du type en tête qui perd alors de sa spécificité et est relégué au second plan, en se rapprochant des races plus massives telles que le Saint-Bernard et le Terre-Neuve. Il n'est pas interdit de voir dans cette tendance l'influence du standard en place (1973) qui ne met plus en garde, comme par le passé, contre tout ce qui peut rapprocher le Leonberg du Saint-Bernard ou du Terre-Neuve.

A partir de 1998

Un standard de nouveau remanié voit le jour en 1996, qui sera appuyé par sa republication en 2002. Il faudra cependant attendre deux longues années avant que les adhérents du Club ne puissent en prendre connaissance par l'intermédiaire de celui-ci, délais de traduction et de transmission par la SCC obligent !

Les premiers effets de ses modifications ne pourront donc guère se faire sentir avant 1999 et surtout à partir de 2000, 2001 et les années qui ont suivi au cours desquelles ils vont aller crescendo.

Ils portent principalement sur les changements concernant l'aspect du Leonberg, avec le retour à une volonté d'élégance clairement affichée, l'importance accordée aux allures et à la fourrure, ainsi que très probablement au caractère. Enfin, son influence sur la variété des couleurs de robe est indéniable.

Ceci est clairement sensible au niveau des commentaires de jugement dont l'examen permet de constater que les robes charbonnées ou de couleur sable très clair ne sont plus mises à l'index comme cela avait pu être le cas dans les années 1985 à 1995 et même au-delà. La couleur n'entre plus en compte dans l'attribution des qualificatifs et la conséquence directe en sera l'élargissement notable de l'éventail de la gamme des couleurs des leonbergs français.

S'il est difficile d'apprécier l'impact du standard en ce qui concerne les allures, quoique qu'il ne soit pas interdit de corréler ce souci à une évolution des mentalités tendant vers un Leonberg plus sportif et à l'intérêt grandissant pour les activités de travail permises à la race, même si celui-ci reste encore très marginal, on peut néanmoins lier la volonté d'amélioration du mouvement à la recherche de l'élégance qui semble être le leitmotiv de ces dernières années du Leonberg en France. Cette préoccupation marque l'évolution d'un Leonberg massif et osseux vers un chien de gabarit plus léger, moins élevé, au déplacement plus fluide qui est bien visible lorsque l'on compare les sujets primés des années 1990/1995 à ceux des années 2000 à 2008.

Autre aspect important du changement, la fourrure.

Celui-ci n'est pas dissociable non plus de la « priorité » donnée à l'élégance et à l'aspect général du Leonberg, induisant un soin particulier accordé au pelage ainsi qu'à la présentation. Les chiens primés et valorisés dans les concours de beauté sont en général dotés de fourrures opulentes et riches, longues et raides ( l'une des modifications du standard), soigneusement entretenues, aux crinières relevées et volumineuses. Leur présentation est travaillée.

Enfin, la tendance à l'uniformisation des silhouettes vers un modèle unique, avec la prise en compte des proportions précises dictées à partir de 1996, s'accentue à partir de 2005. S'il n'était pas rare de rencontrer dans les expositions de la décennie précédente des Leonbergs de construction relativement carrée, la majorité des Leonbergs présentés aujourd'hui sur nos rings, offre une silhouette type plus longue que haute et dont la profondeur de poitrine correspond à 50% de la hauteur au garrot.

C'est tout au moins l'impression qui en ressort car, à y regarder de plus près, il est de moins en moins rare que la poitrine représente plus de 50 % de la hauteur au garrot, que les proportions de la longueur du tronc par rapport à la hauteur au garrot ne soient pas vraiment conformes à celles préconisées par le standard, et que du « longiligne » souhaité on soit, sans ambages, passé à « long », ce qui n'est pas vraiment la même chose !.

Tous ces paramètres conduisent à donner une image plus homogène du cheptel français actuel du leonberg.

Toutefois une analyse plus approfondie des sujets présentés dans les expositions importantes organisées par le Club de race en 2005, 2006, 2007 et 2008, amène à s'interroger sur la réalité de cette homogénéité.

 

Analyse des liens entre standards et évolution du cheptel.

Force est de constater que si l'homogénéisation s'est faite par rapport aux grandes lignes du standard portant sur l'aspect global « d'un chien nommé leonberg », notamment sur les points les plus apparents qui ont été cités plus haut, il semblerait, en revanche, que le cheptel soit loin d'être homogène en ce qui concerne le type même du leonberg..

Ces points du standard, élégance, allures, fourrure, morphologie générale, aspect global lié à la présentation, auxquels il convient d'ajouter l'évolution vers un caractère enjoué, dynamique, malléable, sont mis en relief, depuis quelques années, par l'apparition d'élevages à grande production dont l'effet sur le cheptel, compte tenu du nombre de sujets produits, ne saurait être négligé, par le recours de plus en plus fréquent à l'étalon répétitif, préférentiellement les champions qui constituent des valeurs sûres et rassurantes permettant de (croire ?) serrer au plus près le standard, et enfin par le rapprochement parfois avec des lignées étrangères ayant évolué selon des types différents.

Si, aspect de la fourrure, dont il n'est d'ailleurs pas précisé si elle doit être dressée ou couchée ( et ceci n'est pas un point de détail quoique l'on puisse en penser) et la gamme étendue des couleurs de robe contribuent à ce manque d'homogénéité, l'élément le plus remarquable, car l'un des plus représentatifs de la race, est la diversité des têtes de nos Leonbergs.

Non seulement, à l'examen de différentes têtes, toutes qualifiées en jugement d'excellentes, sans que l'on puisse guère leur trouver de points communs, il est parfois bien difficile de déterminer quel peut bien être le type en tête souhaité pour le Leonberg, au point parfois de se demander si ( doit-on l'avouer ?) les chiens présentés appartiennent bien tous à la même race, mais en outre, la sélection des meilleures têtes de ring lors des Nationales d'élevage pour l'attribution du Trophée Dagobert, récompensant la MeilleureTête et la disparité de ces « meilleures têtes » choisies pour représenter la race sur le ring d'honneur, disparité flagrante et inquiétante à notre dernière Nationale d'élevage en octobre dernier, témoignent de la grande difficulté pour les juges eux-mêmes de définir le type en tête idéal du leonberg.

Doit on voir là l'un des effets pervers des modifications du standard apportées à celui de 1973, par les remaniements de 1996, sur ce sujet important qu'est la tête ?

De l'une à l'autre version, le descriptif de la tête est passé d'un portrait global qualitatif prenant largement en compte l'expression, moins précis certes mais évocateur ( et encore plus dans l'ancien standard traduit par Megnin), à une présentation segmentée technique des diverses parties de la tête, indépendamment les unes des autres et sans aune référence qualitative à l'expression ni au type qui différencie le Leonberg d'autres races, dans la version de 1996. Cette présentation permet une interprétation plus large et, partant, plus vague de ce que doit être la tête du leonberg, tant pour les éleveurs que pour les juges.

C'est là une évolution lourde de conséquences pour l'image donnée de la race au public qui assiste aux expositions, car cette disparité entraîne parfois le Leonberg français au seuil des limites de la race vers d'autres types raciaux, sans que cela semble choquer.

Et pourtant c'est par la tête que passe le type d'une race. Si, pour reprendre les propos d'un juge qui a présidé quelques années aux destinées du Club du Leonberg, il est à la portée de tout bâtard d'avoir d'excellents aplombs et une construction parfaite, cela ne fera pas pour autant de lui un Leonberg, car c'est principalement la tête et son expression qui font la race.

Cette dérive vers d'autres races par rapport au type même du Leonberg, est également notable sur d'autres plans, certes moins criants mais néanmoins importants.

Les modifications qui ont précisé les proportions de la morphologie du leonberg dans les derniers standards ont clairement établi les rapports hauteur au garrot/longueur de tronc, soit 9 pour 10, ainsi que la profondeur de la poitrine par rapport à la hauteur au garrot, à savoir 50%.

Cela fait du leonberg un chien longiligne mais pas un chien long, loin s'en faut. Mais ces précisions sont très techniques.

S'il est relativement aisé de situer la hauteur de poitrine à la moitié de la hauteur au garrot, il est en revanche beaucoup plus ardu, y compris pour un oeil exercé, d'estimer le rapport 9/10 des axes perpendiculaires que représentent la hauteur au garrot et la longueur de tronc :d'une part le rapport 9/10 est déjà moins facilement repérable qu'un rapport 5/10, mais a fortiori c'est encore plus difficile quand il s'agit de deux axes qui ne suivent pas la même direction.

Pourtant ce rapport est fondamental car il détermine la morphologie et la silhouette exacte du leonberg, silhouette longiligne sans excès, ni basse et ni haute sur pattes, on n'insistera jamais assez sur ce point. Il n'est pas question d'un chien long! Ce rapport définit un type clairement harmonique . et harmonieux !

Or, il est de plus en plus fréquent, aujourd'hui, dans notre bonne vieille France, de rencontrer des Leonbergs de plus en plus longs, souvent plus proches d'un rapport 8/10 ou 9/11, sinon plus, que des 9/10 demandés. C'est là une dérive grave, probablement due à un décalage entre la technicité du standard et la formation des éleveurs, dérive qui amène progressivement à l'évolution de la morphologie du Leonberg français vers les morphologies d'autres races proches, avec toutes les conséquences que cela implique sur les lignes de dos, les formes de croupe, l'inclinaison de l'encolure par rapport au garrot et bien sûr les diverses angulations tant avant qu'arrière. 

Certes le standard est très explicite et strict dans ses descriptions anatomiques et ne devrait pas donner lieu à de telles dérives, mais il semble qu'il soit très difficile à mettre en place et puisse ouvrir la porte à des excès amenant de graves défauts morphologiques, de lignes de dos ensellées, de croupes sur-bâties ou avalées, de jarrets affreusement droits, d'épaules rectilignes, défauts qui passent souvent inaperçu sous l'opulence d'une fourrure de plus en plus fournie et spectaculaire.

Le standard remanié utilise un vocabulaire spécialisé, qui, si il est juste et scientifique, peut donner lieu à des confusions et des interprétations faussées, car il nécessite, pour sa mise en oeuvre, des connaissances zootechniques qui ne sont pas de mise dans un système d'élevage encore souvent empirique.

Enfin, il est important de souligner, que l'une des incidences de la connaissance de plus en plus grande et vulgarisée du standard, auprès des acquéreurs par le biais des éleveurs, incidence qui n'est pas des moindres, porte sur les chiens présentant ces fameux défauts éliminatoires entraînant la non confirmation, qui, d'emblée sont exclus de la présentation à cet examen.

En effet, dans une très grande majorité de cas, l'acquéreur souvent bien suivi par son éleveur et de mieux en mieux informé, se gardera de présenter un chien qu'il saura non confirmable.

C'est principalement le cas pour tous les défauts éliminatoires quantitatifs dont on sait qu'ils ne peuvent être soumis à interprétation quant à leur degré de gravité et qu'ils seront sans appel : manque de dents, (conformément aux règlements de la SCC), défauts d'articulé, crypto et monorchidie, entropion et ectropion, couleur brune, éventuellement blanc marqué jusqu'au carpe ou au tarse ou fortement marqué en d'autres emplacements, poil très bouclé, agressivité ou crainte importante.

A l'étude des résultats d'expositions, on a l'impression que ces défauts ont régressé. Pourtant rien ne permet de l'affirmer, puisque la non présentation de ces chiens liée à la connaissance du standard et des défauts éliminatoires fausse l'aperçu que l'on peut avoir du cheptel et ne permet pas de conclure à une quelconque amélioration de la race par rapport à ces défauts.

 

Ne serait ce pas là l'un des effets néfastes des modifications du standard 1996/2002 énonçant les défauts éliminatoires?



Commentaires

A partir de ces quelques observations soumises comme on peut s'en douter à la subjectivité et l'interprétation toute personnelle de leur auteur, il serait bien présomptueux de conclure que l'évolution du cheptel français s'est faite sous l'influence des modifications du standard. Si celles-ci ont eu quelque incidence, il convient vraiment de les relativiser tant il est vrai que l'élevage canin et les manifestations qui en découlent, dépendent de bien d'autres paramètres sûrement beaucoup plus influents et bien plus difficilement encore appréciables que les changements successifs apportés au standard.

Cette considération faite, on peut néanmoins positivement se satisfaire que le standard FCI au cours de ses modifications successives serve de plus en plus de référence à l'élevage français du Leonberg. Il sert d'appui au club et est désormais relayé par les éleveurs, par le biais de la brochure d'élevage, jusqu'au simple acquéreur.

Si, il y a encore quelques années, il était souvent donné d'entendre par des exposants, qui n'étaient pourtant pas des novices, qu'il existait plusieurs standards ( non dans le temps mais contemporains !!!), l'un français, l'autre belge et, accessoirement, un troisième, allemand.. et, qui sait ?, peut-être encore d'autres.. (non, non, je n'invente pas, hélas..), il paraît évident, aujourd'hui, pour la grande majorité des éleveurs et exposants français, qu'il n'y et n'y a toujours eu qu'un seul et unique standard. Du moins, est-on en droit de l'espérer.

Les modifications du standard 1996 ont permis de conférer progressivement au leonberg une représentation structurée et très complète, en rapport avec une morphologie canine saine, qui ne devrait normalement pas donner lieu à des dérives. Aucune hiérarchie particulière n'a été appliquée dans la présentation de ses divers éléments qui ont tous été traités de manière semblable et rigoureusement égale.

Il apparaît pourtant que, dans l'évolution du cheptel leonberg français, tout au long de ces vingt dernières années et de manière plus appuyée et croissante depuis 2003, seuls certains points du standard ont été accentués plus que d'autres, et souvent de manière excessive, aux dépens d'autres points tout aussi importants mais laissés en arrière plan, bien que, je le rappelle, le standard les traite tous d'une manière identique.

Ainsi l'accent mis sur l'élégance et les allures a possiblement joué en défaveur de l'ossature molossoïde et de la puissance, notamment des mâles, pourtant aussi demandée par le standard. La recherche d'une fourrure longue, riche et somptueuse a permis également de faire l'impasse, en les masquant, sur les graves défauts anatomiques tels que les angulations insuffisantes du jarret (pour ne pas parler de ces jarrets inversés qui sont inacceptables), de ces croupes surélevées et de ces dos en « berceau » ainsi que sur la perte progressive et rapide de l'ossature chèrement acquise entre 1988 et 1995.

Les directives données sur le masque ont laissé la porte ouverte à des types en tête qui, bien que d'un noir profond, n'ont pas toujours l'expression typique et douce du leonberg à l'encontre d'autres pourtant moins masquées.

De même que dans les années 90, le leitmotiv sur l'ossature et le rejet des couleurs charbonnées a pu contribuer à la dérive vers des têtes lourdes, aux babines tombantes et à l'expression atypique ainsi qu'à la mise à l'écart de chiens très intéressants simplement parce qu'ils avaient un méchage prononcé.

Si le standard a subi des modifications tant dans sa forme que dans l'approfondissement de sa description, le Leonberg idéal souhaité par les standards successifs n'a pas été sensiblement modifié depuis le premier standard, à l'exception des deux points concernant la couleur argentée ( « silbergrau » des premiers leonberger entre 1914 et 1940) et de la taille, points éliminés du standard depuis très longtemps.

Pour le reste, le Leonberg , du standard originel à l'actuel, demeure un chien élégant et puissant, plutôt longiligne tant dans sa morphologie que dans la construction de sa tête. Il semblerait même que le standard de 1996 soit, tout en répondant à la nécessité d'un vocabulaire cynotechnique indispensable de nos jours, une tentative d'harmonisation et de synthèse de tous les standards qui l'ont précédé sous une forme méthodique et complète, sans changement fondamental, justement.

Ne serait-ce pas plutôt l'interprétation du standard, interprétation faite par tous les acteurs de la race à tous les niveaux, acquéreur, propriétaire, éleveur, exposant, personnes influentes, clubs de race et juges eux-mêmes, qui serait la cause des dérives, qui conduiront fatalement à des excès, si l'on n'y prend garde, et qui, sous l'illusion d'une mise en conformité avec le standard, risquent d'éloigner en réalité le leonberg de son essence même, du type fondamental de la race.?

Le souci, légitime, d'amélioration de la race ne doit pas conduire à faire une fixation pointilliste sur telle ou telle particularité décrite par le standard, en en faisant une priorité absolue au mépris d'autres et en négligeant la conception globale du chien de leonberg.


Ne dit-on pas que le mieux est l'ennemi du bien ?

La volonté, compréhensible, d'homogénéisation de la race en alignant le cheptel français du leonberg sur ce qui peut paraître être des modèles étrangers et sur une uniformité internationale, ne doit pas mettre en péril la diversité des « types » qui font la richesse du leonberg. Et c'est d'autant plus vrai à l'heure où les généticiens militent en faveur de la diversité génétique.

Tendre vers une harmonisation souhaitable, et souhaitée de tous, n'est pas générer une uniformisation du leonberg sur un modèle unique et universel, qui ne sera jamais, de toutes façons, que le reflet des modes du moment et d'interprétations aussi variées que variables...

A l'heure où la diversité génétique pronée par les généticiens commence à nous faire cruellement défaut, il serait périlleux d'être intransigeant sur l'application stricte du standard et d'être trop sévère. Cela mènerait inévitablement à restreindre encore davantage l'éventail des reproducteurs, notamment des étalons, et conduirait notre race dans une impasse dont il serait bien difficile de la faire sortir ensuite.

Aussi, s'il est permis de faire des voeux pieux et de rêver, sachons raison garder et méditons cette pensée de celui qui su servir pendant des années notre race avec sagesse, humilité et réalisme et qui sera le mot de la fin.

 


18 Décembre 2008
Mémoire réalisé à la demande de la SCC
sur un thème proposé par le Club Français du Leonberg dans le cadre de la préparation à la formation pour la fonction de juge.


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